Opinion

Envoyer un plus grand nombre d’étudiants à l’étranger aidera le Canada à s’adapter à un monde imprévisible

L’imprévisibilité mondiale place le Canada à la fois devant des défis de taille et de nouvelles opportunités.

Margaret Biggs, Matthews Fellow en politique publique mondiale, Queen’s University 

Roland Paris, directeur de l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa

Le Canada ne s’adapte pas assez rapidement à un monde où la concurrence et les conflits s’intensifient. Et ce n’est pas seulement parce que les gouvernements et les entreprises du Canada mettent du temps à réagir aux nouvelles conditions économiques et de sécurité mondiales. Trop peu de Canadiens et Canadiennes acquièrent l’expérience internationale nécessaire pour aider nos gouvernements et nos entreprises à bien s’adapter.

Ce constat peut paraître surprenant quand on sait que la société canadienne est l’une des plus diversifiées au monde. Toutefois, la diversité ne se traduit pas nécessairement par une ouverture sur le monde ou par le type de compétences mondiales dont le Canada aura de plus en plus besoin, soit une main-d’œuvre outillée pour aider les gouvernements et les entreprises à gérer des problèmes mondiaux de plus en plus complexes.

Dans le rapport de notre groupe de travail, paru il y a cinq ans, nous avons souligné à quel point le Canada était à la traîne. Nos principaux partenaires et concurrents – dont les États-Unis, l’Union européenne et l’Australie – investissaient dans des stratégies ambitieuses pour encourager leurs propres étudiants et étudiantes à travailler ou à étudier à l’étranger pendant leur parcours postsecondaire. Ces pays ont reconnu l’intérêt stratégique de former des personnes diplômées dotées de compétences internationales à une époque où le monde était en pleine mutation. Le Canada, en revanche, ne faisait pas grand-chose.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. À l’époque, environ 33 % des étudiants et étudiantes de premier cycle en France partaient à l’étranger pour une partie de leur cursus. En Allemagne, la proportion était de 29 %. En Australie et aux États-Unis, c’était 19 et 16 % respectivement. Au Canada, seulement 11 % de la population étudiante était dans cette situation.

La bonne nouvelle, c’est qu’en 2021 le gouvernement du Canada s’est associé à des collèges et universités de tout le pays pour lancer le programme pilote Expérience compétences mondiales. Son objectif : accroître l’accessibilité de l’apprentissage international pour la population étudiante de niveau postsecondaire.

Il ne s’agit pas d’une initiative traditionnelle d’études à l’étranger. Expérience compétences mondiales offre à nos jeunes des occasions d’apprendre non seulement en classe, mais aussi dans le cadre d’emplois temporaires et de stages à l’étranger. Il cible également un plus grand nombre de pays : alors que les étudiants et étudiantes d’ici privilégient le plus souvent quelques destinations familières – les États-Unis, l’Europe occidentale et l’Australie – le nouveau programme met l’accent sur des pays émergents comme l’Indonésie et le Brésil, qui jouent un rôle toujours plus important dans l’économie mondiale.

Au cours des deux dernières années, plus de 6200 étudiants et étudiantes des collèges et universités du Canada ont fait des études et des stages à l’étranger dans le cadre de ce programme. Ils représentent la promesse d’une future génération de Canadiennes et de Canadiens professionnels dotés de connaissances et de relations internationales.

Toutefois, la fin du projet pilote ECM est prévue pour 2025, et sa continuité est incertaine. En contexte de restrictions économiques, il risque d’être considéré comme un luxe réservé aux « jeunes de familles riches ». Ce serait toutefois une perception erronée. À ce jour, 75 % des personnes qui ont participé au programme viennent de groupes traditionnellement sous-représentés dans l’enseignement supérieur, notamment des jeunes issus de familles à faible revenu et des Autochtones.

Ce n’est pas un hasard. Le programme a pour objectif d’aider les étudiants et étudiantes de tous horizons et de les préparer à de bons emplois. Des études montrent que les personnes qui étudient ou travaillent à l’étranger ont plus de chances de terminer leurs études et de trouver un emploi après l’obtention de leur diplôme, et que ces avantages sont encore plus marqués pour les étudiants et étudiantes de milieux défavorisés.

Les employeurs sont de plus en plus à la recherche de personnel possédant les compétences internationales et interculturelles que procurent ces expériences. Selon la Table ronde du milieu des affaires et de l’enseignement supérieur, qui représente certains des plus gros employeurs privés du pays, les expériences d’apprentissage internationales améliorent la pensée critique des étudiants et étudiantes, leur aptitude à résoudre des problèmes et leur capacité de s’adapter à divers environnements culturels, en plus de leur faire découvrir les pays où ils travaillent ou étudient.

Les entreprises et les gouvernements auront besoin d’un grand nombre de personnes possédant ces compétences pour les aider à naviguer dans les méandres d’un monde en mutation, et ce, pour plusieurs raisons. La longue période d’après-guerre caractérisée par une prospérité et une sécurité relatives est terminée. La concurrence accrue pour les technologies émergentes et les ressources essentielles reconfigure rapidement les marchés mondiaux et les chaînes d’approvisionnement. La concurrence géopolitique ne montre aucun signe d’apaisement. L’imprévisibilité mondiale place le Canada à la fois devant des défis de taille et de nouvelles opportunités.

Les entreprises canadiennes doivent prendre des risques sur de nouveaux marchés et avec de nouveaux produits, tout en prévoyant et en gérant les risques – une tâche difficile, mais essentielle. Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent également les soutenir, notamment en mettant en œuvre la stratégie indopacifique du Canada et en défendant les intérêts du pays dans d’autres parties du monde.

Les secteurs public et privé du Canada devront travailler fort pour relever ces défis. Mais sans une population active possédant l’expérience et les connaissances internationales nécessaires, leurs efforts ne produiront pas les résultats escomptés. Et le Canada prendra encore plus de retard.

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