Lettre d’opinion par John Baker
Les études et les expériences de travail internationales permettent d’acquérir des compétences durables dont la population étudiante et le Canada auront besoin pour l’avenir.
John Baker
Ce n’est un secret pour personne : notre monde, notre société, notre économie et notre main-d’œuvre connaissent une véritable mutation.
Les avancées technologiques et l’automatisation ne cessent de remodeler le monde professionnel et de transformer notre compréhension du concept d’employabilité.
Alors que nous vivons cette quatrième révolution industrielle, nous entendons fréquemment parler de « compétences générales », ces aptitudes non techniques comme l’autonomie, le travail d’équipe, l’empathie, la capacité de tisser des relations, le réseautage, la communication et la résolution de problèmes.
J’ai constaté que ces compétences sont souvent sous-évaluées et négligées au profit des exigences immédiates du savoir-faire technique. Même l’expression « compétences générales » atténue en soi l’importance réelle de ces capacités et la résilience qui va de pair. Le terme « général » suppose qu’il s’agit de compétences faciles à acquérir, voire superflues.
Or, rien n’est plus faux.
Appelons un chat un chat : nous parlons ici de compétences durables, c’est-à-dire cruciales pour réussir dans n’importe quel domaine, quels que soient les aléas de la vie. Ce sont des compétences dont la prochaine génération de travailleuses et travailleurs, et de têtes dirigeantes ne pourra se passer.
Certes, les compétences techniques traditionnelles, ou compétences spécialisées, demeurent essentielles. Toutefois, elles ne suffisent plus.
Selon une enquête de LinkedIn, 57 % des cadres considèrent désormais que les compétences durables s’avèrent plus importantes que les compétences techniques. De plus, d’après une étude de McKinsey & Company, d’ici 2030, jusqu’à 375 millions de travailleuses et travailleurs devront changer de catégorie professionnelle en raison de l’automatisation des tâches.
Compte tenu du rythme sans cesse croissant de la mutation technologique, de nombreuses compétences techniques deviennent obsolètes en l’espace de quelques années seulement. Résultat : la population active doit se perfectionner ou se recycler en permanence pour rester à jour.
Les compétences durables, en revanche, résistent à l’épreuve du temps. Elles permettent à la maind’œuvre de s’adapter à de nouveaux milieux : le personnel plie, mais ne rompt pas. Alors que le marché du travail évolue et se réinvente rapidement, j’ai constaté que les directions accordaient une plus grande importance à un effectif polyvalent qui sait faire preuve d’initiative, de dynamisme, d’assurance et d’audace. Chez D2L, nous recherchons des personnes capables de s’adapter en permanence, d’apprendre, de s’épanouir dans des environnements divers, de collaborer avec efficacité et de résoudre des problèmes complexes, autant de compétences qui ne sont pas tout à fait à la portée de la machine.
Acquérir des compétences durables
Au fil des ans, j’ai constaté que les interactions réelles ou l’expérimentation sur le terrain se révélaient essentielles pour cultiver ces compétences durables. Lorsque j’ai fondé D2L en 1999, alors que j’étudiais en troisième année de génie, je souhaitais créer une société d’apprentissage qui aurait un effet d’entraînement d’une personne à l’autre.
Au cours des 20 dernières années, j’ai eu la chance de vivre de nombreuses expériences d’études et de travail à l’étranger. J’ai pu développer mes compétences durables et tisser des liens avec différentes clientèles et des communautés du monde entier. J’ai ainsi recueilli une belle variété d’idées et de points de vue pour renforcer notre démarche.
En voici quelques exemples.
- Lors d’un passage dans une salle de classe aux ressources limitées en Inde, j’ai découvert que la population étudiante avait plus souvent et plus régulièrement accès à des cellulaires et des réseaux sans fil qu’à des ordinateurs. J’ai constaté que nous pouvions trouver un moyen d’atteindre un plus grand nombre de personnes en apprentissage à l’aide d’un navigateur mobile, indépendamment de leur emplacement ou de leur bande passante.
- Au cours d’un voyage au Brésil, j’ai eu l’occasion de mieux comprendre les avantages de personnaliser la reconnaissance des acquis pour les femmes qui vivent dans la pauvreté. J’ai aussi constaté à quel point il importait de leur ouvrir des voies plus rapides et plus souples pour terminer un parcours universitaire et décrocher un emploi. Ainsi, non seulement leur vie change, mais cette démarche brise le cycle de l’indigence pour la génération suivante.
- J’ai visité une petite école colombienne et j’ai vu comment des élèves étaient devenus de véritables pédagogues : ils aidaient leur communauté à apprendre à utiliser la technologie pour résoudre des problèmes. Ils agissaient avec soin dans un sentiment d’urgence sans attendre qu’un adulte ne prenne la situation en main.
Ces voyages m’ont permis d’entrer en contact avec de nouveaux groupes de personnes et, en fin de compte, de créer de meilleurs produits technologiques, des produits plus accessibles, plus équitables et plus inclusifs. Ces expériences m’ont inspiré, ont allumé une étincelle qui s’est transformée en un véritable feu ardent.
Au Canada et au-delà
Je suis convaincu que les études et le travail à l’étranger constituent un tremplin essentiel pour développer les compétences durables dont la population étudiante et le Canada auront besoin pour l’avenir. Cela dit, des recherches révèlent que les étudiants et étudiantes de premier cycle du Canada se montrent moins susceptibles de participer à des programmes d’études internationales que ceux d’autres pays, comme la France, l’Australie et les États-Unis.
Heureusement, nous gagnons du terrain. Depuis 2019, le gouvernement du Canada finance un programme pilote national de mobilité étudiante vers l’étranger, Expérience compétences mondiales (ECM).
Jusqu’à présent, le programme ECM a aidé plus de 5000 étudiantes et étudiants canadiens de niveau postsecondaire à acquérir de précieuses compétences internationales grâce à des études et à des expériences de travail à l’étranger. J’ai eu l’occasion de rencontrer une poignée d’anciens participants et participantes d’ECM : l’impact que ces expériences ont eu sur leurs perspectives, leur vision du monde et sur leur vie ne laisse planer aucun doute. Les différentes cohortes reviennent avec une confiance nouvelle, une étincelle, une volonté de prendre les rênes et un désir d’exercer un effet positif dans leur communauté.
Plus encourageant encore : la grande majorité des participantes et participants proviennent de groupes traditionnellement sous-représentés dans le secteur de l’éducation internationale, soit des personnes en situation de handicap, autochtones ou issues de milieux à faibles revenus.
Ensemble, travaillons à transformer le programme national ECM en un maillon permanent de notre structure éducative lors de son renouvellement. Nous garantirons ainsi à la population étudiante canadienne la possibilité de se doter des compétences durables indispensables pour contourner avec brio les difficultés de l’avenir.
John Baker, président et chef de la direction, D2L